vendredi 19 septembre 2014

Sarkozy m'inquiète



Un socialiste aurait tout lieu de se satisfaire, sinon de se réjouir, du retour de Nicolas Sarkozy dans la vie politique. L'antisarkozysme a tellement bien fonctionné en son temps qu'on se dit qu'il pourrait resservir. Hélas, la politique, ce n'est pas comme la cuisine, il ne suffit pas d'appliquer immuablement les mêmes recettes pour que la mayonnaise prenne à l'identique. Le retour de Sarkozy m'inquiète. Cet homme est dangereux pour la gauche, le plus dangereux des hommes de droite. Je vais vous dire pourquoi :

1- Ce n'est pas parce qu'un homme politique a été battu une fois qu'il le sera une seconde fois. D'autant que Sarkozy, en 2012, n'a pas été battu de beaucoup. A droite, chez les sympathisants, il reste populaire. Sa base électorale est donc réelle. Qui l'aurait cru, il y a deux ans ? Non, la bête n'est pas morte, loin de là.

2- Qu'un ancien président de la République redevienne président de la République parait invraisemblable, de la politique-fiction peu crédible. Mais qu'en savons-nous ? Le FN, premier parti de France dans un scrutin européen, qui aurait imaginé ce cauchemar ? Nous vivons dans une société où tout est possible, pour le meilleur ou pour le pire : Sarkozy président, ce n'est pas impossible.

3- La comparaison avec Valéry Giscard d'Estaing, ancien président qui n'est jamais revenu au sommet de l'Etat malgré son jeune âge, n'est pas probante. D'abord, il est difficile de juger à partir d'un cas unique. Mais surtout, VGE en 1981 sort de l'Elysée sous les huées et les crachats, complètement impopulaire, et dans des circonstances historiques sans comparaison avec aujourd'hui.

4- Nicolas Sarkozy choisit la bonne stratégie, celle de Mitterrand, celle de Chirac : prendre d'abord le parti, pour prendre la tête de l'Etat. Qui tient le parti décide de la suite. L'UMP est en morceaux, divisé, ses adhérents restent sarkozystes dans l'âme : Nicolas Sarkozy serait bien bête, et peu politique, de ne pas s'en emparer. Quand un pouvoir vous est offert sur un plateau, on le prend, on ne le repousse pas.

5- Mais ce qu'il y a de plus dangereux chez Sarkozy, quand on est de gauche, c'est Sarkozy lui-même, l'homme, le caractère. Il a la niaque, le désir de revanche, c'est-à-dire la pulsion la plus puissante et la plus motivante en politique, contre laquelle on ne peut pas grand chose. Un homme battu, qui veut se relever et se venger, c'est un animal blessé prêt à tout, qui n'a plus rien à perdre : il est plus dangereux qu'un serpent.

6- Sarkozy est le seul dans son camp à savoir faire de la politique. Il a fait ça toute sa vie, il ne sait rien faire d'autre : le secret de son retour, le voilà. Alain Juppé, c'est un gentil et un rigide. Jean-Pierre Raffarin ne pense qu'à la présidence du Sénat. François Fillon, c'est un brillant second, pas un premier capable de tout écraser sur son chemin. Le Maire, Bertrand, ce n'est pas encore le tour, ça viendra, plus tard.

7- La chance de Sarkozy, c'est Le Pen. La victoire en politique est une question d'opportunités. J'en vois une belle se présenter pour Sarkozy, un possible positionnement pour lui : se présenter comme le meilleur rempart face à l'extrême droite (les sondages donnant pour l'instant le candidat de gauche battu par celui du FN). Ce serait évidemment paradoxal, quand on se souvient que Nicolas Sarkozy, dans la campagne de 2012, a braconné sur les terres de l'extrême droite. Mais la vie politique est autant faite d'opportunités que de paradoxes.

Finalement, en tant que socialiste, je préférerais avoir à la tête de l'UMP et comme adversaire à la prochaine présidentielle Alain Juppé ou François Fillon, beaucoup moins dangereux que Nicolas Sarkozy. Quant aux affaires judiciaires dans lesquelles est pris l'ancien chef de l'Etat, je crois qu'elles ne seront d'aucune influence : jamais un tribunal ou un jugement n'ont déterminé le sort d'une élection ou d'une carrière politique. J'aurais donc souhaité que Sarkozy reste chez lui. Trop tard, le grand méchant loup est sorti du bois. Si l'ouverture de la chasse pouvait nous faire oublier l'extrême droite, ce serait la seule bonne nouvelle.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Valls, il n y a que Valls actuellement pour gagner à gauche face à Sarkozy ou tout autre leader de droite.
il lui ressemble par le caractère, l'ambition, la fermeté avec un avantage non négligeable sur son concurrent: son physique.
le charisme sera plus important que les idées.

Emmanuel Mousset a dit…

D'accord avec vous. Mais sur le "physique", je n'ai pas compris.

Anonyme a dit…

Pas mal votre analyse sauf le point 3 , GISCARD a laissé la FRANCE en bon état ; c'est une ligue dont vous connaissez les 2 leaders qui a saboté son départ , facile à abattre un brillant polytechnicien un peu guindé et rigide ( cf JUPE qui fait petit GISCARD )
MAIS le retour de SARKOZY va encore alimenter l'axiome UMPS , le FN va argumenter sur une diversion pour sauver la fin du règne de HOLLANDE et ira même jusque à parler d'un accord secret ...
A voir et à suivre dans un tumulte que on ne peut imaginer ... Tant ce sera au ras des pâquerettes hélas ..........

Anonyme a dit…

De GAULLE a été une exception dans des temps exceptionnels ; autoproclamé chef de la FRANCE LIBRE , il a ensuite laissé le pouvoir jusque 1958 , est revenu dans des temps encore assez troubles pour partir après 1968 dans une FRANCE trop figée et pas mure pour les réformes ....
Similitudes : certaines mais aussi lointaines ... Qu'en pensez vous ??

Emmanuel Mousset a dit…

J'en pense que ça n'a rien à voir.

Anonyme a dit…

rassurons nous un peu quand même , nous hommes de gauche: 67% des Français ne souhaitent pas le retour de Sarko; c'est une bien maigre satisfaction mais par les temps qui courent toute bonne nouvelle n'est pas à négliger;et allez " no passaran"