mercredi 17 septembre 2014

A bas la dictature langagière !



Je dénonçais hier la République sondagière, dans laquelle nous sommes entrés. Aujourd'hui, je veux m'en prendre à la dictature langagière, qui sévit depuis une quinzaine d'années dans notre société. Les personnes publiques, et tout citoyen, sont soumis à un politiquement correct du langage. Les mots que nous proférons ou écrivons doivent être désormais soigneusement choisis, passés au crible de l'auto-censure et mis en conformité avec la morale ambiante, dont les trois commandements sont les suivants : ne pas blesser, ne pas mépriser, mais respecter.

Je vous le dis, et vous le savez : j'emmerde la morale ambiante, je refuse la dictature langagière ! Ne pas blesser ? Alors, c'est accepter l'hypocrisie et le mensonge, car chacun sait bien qu' "il n'y a que la vérité qui blesse". Ne pas mépriser ? Mais si ! Il y a des comportements, des paroles et des personnes qui sont éminemment méprisables. En ce sens, le mépris est un devoir sacré. Respecter ? Non, le respect n'est pas un droit, mais un mérite, une récompense. Ce serait un crime que de respecter quelqu'un qui n'est pas respectable. Ma morale personnelle, contre la morale actuelle : dire toujours la vérité, quoi qu'il en coûte ; mépriser ce qui est méprisable ; respecter ce qui mérite le respect. Simple, non ?

Pourquoi vous dire tout ça ? Parce que je veux ce soir prendre la défense du ministre de l'Economie, ignoblement attaqué. Emmanuel Macron a dit une vérité, connue de tous, qui est l'objet d'une lutte nationale depuis longtemps : il s'agit de l'illettrisme, dont il a donné un exemple précis, concret. C'est un fléau de notre société, qui frappe en premier ses victimes : les illettrés sont ceux qui sont passés par l'école, mais ne maîtrisent plus ou mal l'usage de l'écrit, ce qui est lourdement pénalisant pour leur vie quotidienne et surtout l'accès à l'emploi. Macron a rappelé cette vérité, et il a eu mille fois raisons.

Alors, que lui reproche-t-on ? Seulement d'avoir utilisé le mot d' "illettrés" ! C'est assez stupéfiant. Comment aurait-il dû s'exprimer ? Peut-être aurait-il dû dire : "les personnes qui ne maîtrisent pas bien le français" (comme on dit "les personnes à mobilité réduite" au lieu des "handicapés en fauteuil roulant"). Mais allez savoir si ces mots-là ne sont pas, eux aussi, "blessants" et "méprisants" ? C'est vraiment une histoire de fou et un tour de con ! Mais c'est surtout malhonnête : on veut faire croire qu'il y avait du mépris dans la bouche et dans la tête de Macron, alors que l'évidente vérité est que non.

Emmanuel Macron a eu tort de présenter ses excuses devant l'Assemblée nationale, de s'être ainsi plié aux impératifs de la dictature langagière. C'est donner le mauvais exemple, encourager au vice. Il aurait dû au contraire, crânement, assumer ses propos et les balancer de nouveau à la gueule des députés de droite qui l'attaquaient. Ne craignons pas de blesser au nom de la vérité, de mépriser au nom de la justice et d'être irrespectueux à l'égard de ceux qui le méritent. Dressons-nous devant ce que le philosophe Nietzsche appelait la "moraline", ce mélange de fausse morale, de psychologie vaseuse et de tyrannie syntaxique. Prenons garde : bientôt, mais c'est déjà commencé, nous ne pourrons plus rien dire, plus rien écrire sans devoir passer devant le tribunal de la bienséance du vocabulaire. Non, résistons : à bas la dictature langagière !

6 commentaires:

Anonyme a dit…

ce qui est idiot c'est d'avoir cité un exemple précis, tout le monde sais ce qu'est l'illettrisme.
On ne montre pas du doigt, on ne pointe pas des salariés en nommant l'entreprise.
A quoi cela sert t'il ?
Vous faites erreur , on ne lui reproche pas son vocabulaire mais d avoir associé maladroitement un mot à un nom.
Il a eu raison de s'excuser, sinon ou vas ton " gros comme les clients de mac do, sale comme les roms, ...."
laissons ce type de discours au FN qui ne s en prive pas.

Emmanuel Mousset a dit…

Le mal doit toujours être nommé, de façon précise et concrète. Quand une région, une école, une entreprise sont touchées par l'illettrisme, il faut le dire, le dénoncer, s'en scandaliser. Vous rêvez d'un monde lisse, propre, plein de généralités. Vos rapprochements inappropriés avec des propos racistes prouvent que vous êtes, vous aussi, touché par une forme d'illettrisme, l'incapacité à utiliser les mots justes et à faire des raisonnements corrects.

Anonyme a dit…

Toutes les régions, toutes les écoles, toutes les entreprises sont touchées pas l'illettrisme, alors oui on doit dans ce cas généraliser et ne pas pointer un cas en particulier pour s'en scandaliser.
Dire qu'il y a de l'illettrisme chez les ouvriers c est enfoncer une porte ouverte. On est dans le gros cliché.
Le gouvernement se tire encore une balle dans le pied. Son but est de battre encore un peu plus son record d impopularité ?

Anonyme a dit…

Quand une région , un individu sont touchés par l'alcoolisme il faut le dire ... Le dénoncer .. Le clamer devant la foule convoquée en forum ...

Emmanuel Mousset a dit…

1- La généralisation serait injuste et fausse. En la matière, il faut des cas précis. Quant à la popularité, elle est moins importante que le souci de vérité et de justice.

2- Le "dire" oui, le "dénoncer" évidemment (qui pourrait l'accepter, s'en satisfaire ?) c'est ce que Macron a fait. Le "clamer", non, là vous devenez malhonnête, vous attribuez au ministre ce qu'il n'a pas fait. Mais, à vos yeux, quelle importance, puisqu'il s'agit de dénigrer, en utilisant les pires arguments.

Anonyme a dit…

autant j'ai bien aimé votre billet(par exemple la Loi Gayssot n'a pas que du bon puisqu'elle bride toute opinion en transformant en apologie toute déclaration disons " à la limite" ), autant je ne me satisfais pas de vos réponses: mettez -vous à la place des ouvrières de chez Gad :même si elles peuvent être conscientes de leurs lacunes ,elles n'ont pas dû apprécier que ce soit déclaré sur la place publique; dénoncer oui mais peut-être en pensant à celles qui sont les victimes; ce n'est pas facile il faut en convenir