lundi 9 juin 2014

Pédagogie de la réforme



Depuis une quinzaine d'années, toute grande réforme politique, un tant soit peu ambitieuse, proposée par la gauche ou par la droite, est systématiquement refusée par l'opinion publique, devenue, conformément à l'air du temps, sceptique, individualiste et protestataire. La moulinette des sondages, la caisse de résonance et d'amplification des médias, la montée des extrémismes contribuent à accentuer ce rejet. La réforme territoriale subira le même sort, si une pédagogie offensive ne la défend pas, à laquelle je vais essayer de m'astreindre, en réponse aux réactions négatives déjà entendues ou lues autour de moi.

1- Le découpage des régions est contestable. Oui, c'est vrai, et un découpage différent l'aurait été tout autant, puisque les régions sont des créations artificielles, qui ne renvoient à rien de connu, sachant que personne ne souhaite le retour aux provinces de l'Ancien Régime. Mais à force de contester, on ne décide de rien et on continue comme avant. A un moment, il faut trancher. C'est fait, et c'est bien fait.

2- Il aurait fallu regrouper des départements, non des régions. Dans l'idéal, oui, sûrement. Mais la réforme en cours pose déjà des difficultés et suscitent des résistances : avec le démantèlement des régions, c'aurait été pire ! On voit d'ailleurs ce qu'il en est avec la disparition des départements.

3- La réforme est imposée d'en haut, dans la précipitation. Non, c'est faux. Le projet est ancien, discuté depuis longtemps. Le gouvernement a consulté les collectivités avant d'arrêter son choix. Mais de discuter éternellement avec ceux qui de toute façon ne veulent pas de cette réforme ni d'une autre, il ne sert à rien.

4- Il aurait fallu consulter les Français par référendum. Non, impossible, inefficace. Un référendum est une réponse simple à une question simple : la réforme territoriale est compliquée, multiple et technique. De Gaulle avait déjà essayé en 1969 en soumettant la régionalisation et la réforme du Sénat à référendum : les Français se sont détournés de la question en répondant à côté.

5- La réforme ne va engendrer aucunes économies. Si, forcément : moins d'élus, des structures simplifiées, ce sont des coûts en baisse. De toute façon, l'objectif est ailleurs : créer des régions plus grandes et plus puissantes qui soient de véritables leviers du développement économique. Ce n'est pas avec la division départementale ou les régions actuelles à faible pouvoir qu'on y parviendra.

6- L'existence des fonctionnaires territoriaux est menacée. Non, ils seront tout simplement rattachés à la nouvelle entité politique, comme cela s'est déjà fait dans le passé, quand les personnels non enseignants des lycées ont été transférés à la Région.

7- Il faudra se déplacer sur de très longues distances pour les démarches administratives ou les prestations sociales (une fois le département supprimé). Faux : les administrations resteront là où elles sont. Au contraire, avec le renforcement de l'intercommunalité, insuffisante aujourd'hui, les structures administratives se rapprocheront des citoyens. Sans compter le développement du traitement par internet, qui supprime les déplacements.

Je n'ai fait qu'esquisser ici quelques réponses et ripostes nécessaires dans ce qui sera un véritable combat politique dans les prochains mois. C'est pourquoi je souhaite que l'offensive pédagogique autour de la réforme territoriale se poursuivre, chez nous, par une réunion publique à la rentrée, qu'organiseraient les trois sections socialistes du territoire, Saint-Quentin, Neuville-Saint-Amand et Gauchy, sur le modèle de ce qui avait été fait pour la réforme des retraites et la réforme des rythmes scolaires. Car ce n'est que sur le terrain, par des débats ouverts et informés, que la pédagogie politique peut s'opérer.

13 commentaires:

Anonyme a dit…

OUI mais ....
Comme le gouvernement vous oubliez de définir les compétences qui sont le nœud d'une organisation de terrain ... Et quid des structures existantes comme le numéro INSSE de tout un chacun qui repose sur la structure de base qui est toujours le département ... Des exemples très nombreux et régaliens vont être à résoudre ... Or aucune piste n'est donnée ...
A vous lire ... Pas dans le style prophète de TINITIN mais dans le style gestionnaire territorial sérieux et visionnaire ..
.

Anonyme a dit…

Ce n'est pas le chiffre de 12 ou 14 dont devait parler HOLLANDE mais celui de 36700 communes à diviser au minimum par 2 ce qui ferait pour l' AISNE passer ce nombre de 816 à 408 soit 10 à 12 communes par canton rural .. Là est le cœur du challenge ; on commence par le bas et cela facilitera la réforme du haut car tous auront vécu le point de départ !!!

Emmanuel Mousset a dit…

1- Les pouvoirs du département seront transférés à la région. Ne vous inquiétez pas pour le numéro INSEE, qui restera ce qu'il est.

2- Une réforme ne se fait pas à la calculette. Et quand on commence par le bas, on y reste ! Non, c'est une réforme qu'il faut mener d'en haut.

Anonyme a dit…

le gouvernement balance soudainement une carte de France un soir à 20h00 et chers citoyens avalez le projet. Je comprend qu'à chaque nouvelle reforme depuis 2 ans vous vous sentiez obligé de faire de la pédagogie sur ce blog.

Emmanuel Mousset a dit…

A moins de vouloir transformer la France en démocratie directe, conseil de Soviets ou référendums permanents, je ne vois pas comment faire autrement.

Anonyme a dit…

Vous qui savez tout : comment seront désignés les jurés puisque c'est par canton vis à vis d'une cour d'assises par département ?? MERCI d'une réponse nette et précise ...

Emmanuel Mousset a dit…

Ce mode de désignation ne sera pas modifié, puisque le département et les cantons, en tant qu'entités administratives, demeureront. Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que la réforme territoriale est, en son fond, politique et économique : ce n'est pas un aménagement administratif.

Anonyme a dit…

le gouvernement a demandé par circulaires à de nombreux organismes administratifs d'attendre le redécoupage des régions avant de mutualiser des taches comme les salaires, les plates forme téléphonique, l'harmonisation des horaires d'accueil; la création de pôles juridiques, l'ouverture d'accueils de proximité..... il s'agit bien aussi d'un réaménagement administratif.

Emmanuel Mousset a dit…

Evidemment, mais ces questions d'intendance ne sont pas le coeur de la réforme, qui est politique et économique.

Anonyme a dit…

A trop vouloir prouver , vous ne prouvez RIEN !!!
Dites nous comment harmoniser les matériels des pompiers qui sont différents du 02 et du 80 .. Et sans doute plus complet et plus moderne dans le 80 !! C'est une décision de territoire qui va être bien difficile à étudier ..
Alors quoi en penser ... C'est un des exemples de dossiers qui ont été muris durant parfois 10 ANS par chaque département ..
A VOUS ........

Emmanuel Mousset a dit…

Le SDIS, il faut le nationaliser. On va sans doute vers ça (voir André Vallini, au grand jury RTL, avant-hier).

Anonyme a dit…

Alors là VALLINI va faire l'apprenti sorcier ... Vu les effectifs majoritairement volontaires , donc attachés à leur territoire ... On risque la perte encore plus des effectifs et c'est le point le plus délicat , la gestion du personnel .. Gérer un feu de forêt SUD EST est déjà différent de gérer un feu du SUD OUEST ; gérer un feu de grande métropole ; très différent des interventions en ruralité ... Les communes touristiques très différentes des communes industrielles... Le département est bien gérable par un CTA , le centre d'appel a alors une connaissance historique, si on va plus loin dans la banalisation, on va perdre en efficacité...

Emmanuel Mousset a dit…

Ne vous inquiétez pas, il n'y a pas le feu au lac.