lundi 31 août 2015

Twitter tue-t-il le PS ?



C'est l'explication que Jean-Christophe Cambadélis a donné à l'affaiblissement du PS, qui semble excessive, qui n'est pas exclusive mais qui a sa part de vérité. Il faut même élargir le problème à l'ensemble des nouvelles technologies et des chaînes d'information continue, qui exacerbent l'individualisme et dénaturent le débat politique. La vie collective des partis en est la victime, surtout au parti socialiste, qui a une tradition de riches débats.

Au niveau national, l'accès aux médias d'un beaucoup plus grand nombre de leaders socialistes brouille les références, accentue les divergences les plus minimes, remet en cause la notion, pourtant essentielle, de porte-parole. Aujourd'hui, chacun se sent investi dans la capacité à représenter le parti : c'est la cacophonie.

Twitter fait pire : il institutionnalise le règne des "petites phrases" qui n'ont pas grand sens, il officialise la réaction d'humeur sans contenu réel. Les messages deviennent superficiels, décalés, parfois humoristiques : c'est la déchéance du sérieux en politique. Pour ciseler un aphorisme, il faut s'appeler Nietzsche, Chamfort ou Cioran : nos hommes politiques en sont loin.

La COOPOL, réseau social entre socialistes, a été un échec magistral. Plus personne n'en parle. L'individualisme a repris le dessus sur l'échange collectif. Dans les sections, ce sont les pages personnelles Facebook qui l'emportent, d'un niveau dramatiquement médiocre, le plus souvent polémique ou anecdotique, mêlant combat politique et vie privée, ce qui est la négation même de l'action publique.

Je ne suis pas technophobe, ni pessimiste. Au XIXème siècle, l'invention de la presse quotidienne a stimulé le militantisme politique et social. Pourquoi n'en serait-il pas de même aujourd'hui, avec les nouveaux outils, qu'on pourrait très bien mettre au service de l'esprit collectif, au lieu de l'individualisme ? Les sections pourraient se doter de blogs d'échanges ou de sites d'informations, être des sources de documentation, publier les actions et les interventions de leurs élus, etc. Certaines sections le font, mais elles sont encore trop rares.

Et puis, c'est à nos dirigeants de montrer l'exemple : que le chef de l'Etat, le Premier ministre et les membres du gouvernement réagissent, comme n'importe qui, sur Twitter, c'est un rabaissement de leurs fonctions. Ils ont bien d'autres moyens pour intervenir, plus réfléchis, plus solennels. Cambadélis a raison, plus qu'il ne le croit, mais c'est à nos responsables de montrer le bon chemin.

dimanche 30 août 2015

Majorité politique



Pour les socialistes sérieux, il n'y avait qu'un seul sujet de discussion lors de l'université d'été de La Rochelle : non pas les propos tenus par Emmanuel Macron (voir billet d'hier), mais la crise chez les Verts. Car c'est la question de la majorité présidentielle qui est posée.

En démocratie, on ne gouverne pas sans majorité. Le PS est rassemblé, en son sein, autour d'une solide majorité de soutien au Premier ministre et à sa politique, confirmée par le dernier congrès et l'adoption de la motion présidentielle. Au Parlement, le PS est également majoritaire, malgré les turbulents frondeurs, pas assez forts pour imposer un changement.

Et dans l'opinion ? Les sondages disent que non, que le pouvoir n'est soutenu que par une minorité de la population. Mais ce ne sont pas eux qui forment une majorité : ce sont les élections. Nous verrons bien aux prochains scrutins présidentiels et législatifs : entre la régression que représenterait Nicolas Sarkozy et la transgression incarnée par Marine Le Pen, il n'est pas certain que les Français ne choisissent pas à nouveau le candidat socialiste, quel que soit son nom.

Non, ce qui manque au gouvernement, c'est une majorité politique : un parti ne peut pas gouverner sans alliés. Le PRG est faible, le Front de gauche est hostile, les centristes ne sont pas prêts : il ne reste que les Verts, courant novateur, prometteur, qui a un impact dans l'opinion, mais qui hélas se dispute, se déchire, semble incapable de s'entendre sur une ligne. C'est pourtant le partenaire naturel du parti socialiste.

Les départs d'EELV de Jean-Vincent Placé et François de Rugy sont les seuls événements politiques du week-end. Chez nos amis écologistes, les lignes bougent, il faut rester attentif à la suite. Bien sûr, ces ruptures ne sont pas dénuées d'opportunisme : mais qui peut rêver d'un monde politique qui en soit totalement débarrassé ?

Je ne crois pas, je n'ai jamais cru que Cécile Duflot ou Emmanuelle Cosse soient capables de mener leur barque. Les Verts, c'est aussi le pays des chimères, comme la candidature sans lendemain d'Eva Joly, la candidature idéale mais non voulue de Nicolas Hulot, ou, plus ancien, la candidature ratée d'Alain lipietz, pourtant économiste de renom. Un seul être manque à EELV, son génie politique refoulé, outre-Rhin : Daniel Cohn-Bendit !

Il faut que la famille écologiste se recompose, qu'une partie d'entre elle retrouve sa place au sein de la gauche réformiste, qu'elle soit représentée au gouvernement et qu'ainsi le parti socialiste ressoude sa majorité politique en vue de la prochaine échéance présidentielle, où son candidat garde toutes ses chances de l'emporter, pourvu qu'il y ait unité de ses soutiens.

samedi 29 août 2015

Macronscopique



"[La gauche] a pu croire, à un moment, il y a longtemps, que la politique se faisait contre les entreprises ou au moins sans elles, qu'il suffisait de décréter et de légiférer pour que les choses changent, qu'il n'était pas nécessaire de connaître le monde de l'entreprise pour prétendre le régenter, que la France pouvait aller mieux en travaillant moins. C'était une fausse idée". Voilà la phrase banale, évidente, déjà énoncée, qu'Emmanuel Macron a prononcée devant l'université d'été du Medef, et qui a provoqué un tollé, un cataclysme, un scandale, dans la classe politique, chez les commentateurs, faisant la une des journaux du matin. Une telle réaction, disproportionnée, que n'excuse pas le vide de l'actualité estivale, en dit long sur la vacuité de notre débat politique, sa surmédiatisation, son absence de mémoire et son goût devenu immodéré de la polémique inutile (pléonasme).

La réhabilitation de l'entreprise par les socialistes date de l'année 1984, avec la formation du gouvernement Fabius, sous le slogan de "la France qui gagne" : 31 ans, excusez du peu ! Depuis, aucun pouvoir de gauche n'est revenu là-dessus. Avant, avec le socialisme des années 70, la grande entreprise était vouée à un seul destin : la nationalisation, fer de lance du Programme commun. Voilà le rappel, anodin et indiscutable, de Macron, au long d'un discours beaucoup plus vaste. Quant aux 35 heures, il n'en a nullement été question, quand on veut bien relire honnêtement son intervention.

Oui, mais ce bout de phrase sur la France qui croyait pouvoir aller mieux en travaillant moins ? Le ministre de l'Economie et des Finances vient d'une formation intellectuelle que je connais bien, qui ne pratique pas le sous-entendu, l'ambiguïté calculée ou le message subliminal : c'est l'école philosophique du mot juste, du fait précis et du propos cohérent. Si Emmanuel Macron était contre les 35 heures, souhaitait leur abrogation ou leur modification, il aurait dit haut et fort, très clairement, qu'il était contre les 35 heures, favorable à leur abrogation ou à leur modification. Il ne l'a pas dit : alors, arrêtons-là la mousse des commentaires, des décryptages et des interprétations.

Les 35 heures ont-elles été faites pour que la France travaille moins, que notre économie paresse, que nos entreprises freinent leur développement ? Une certain droite de mauvaise foi le prétend, mais c'est tout le contraire qui est vrai : la loi Aubry avait pour objectif de remettre la France au travail, de favoriser les créations d'emplois, de relancer la dynamique économique. On peut être d'accord ou pas, mais qu'on ne fasse pas croire que les 35 heures auraient pour logique le farniente, qui n'a pas besoin de ça. Dans une France qui souffre d'un terrible chômage de masse, où l'emploi précaire est fréquent, où bien des salariés sont mal rémunérés, Emmanuel Macron a eu parfaitement raison de rappeler que c'est par le développement des entreprises et du travail que notre pays pourra s'en sortir, en parfaite adhésion avec la ligne politique du gouvernement.

lundi 17 août 2015

Interruption



Interruption du blog. Prochain billet le 29 août.

dimanche 16 août 2015

Les bonnes réponses



Mon questionnaire de dimanche dernier, sur François Mitterrand, inspiré de l'ouvrage récent de l'historien Michel Winock, n'a pas remporté un franc succès, puisque je n'ai reçu aucune réponse. Les voici tout de même :

1- François Mitterrand, élevé dans une famille de droite, a adhéré dans sa jeunesse à une formation réactionnaire, mais républicaine, les Volontaires nationaux, qui dépendait du Parti social français, dirigé par le colonel de La Rocque. Mitterrand est resté peu de temps et a rapidement rejoint les rangs de la gauche, à la Libération. Soulignons aussi qu'il n'a jamais appartenu à l'extrême droite, représentée alors par l'Action française de Charles Maurras, qu'il n'a jamais été antisémite, comme c'était pourtant fréquent à l'époque. Enfin, c'est tout à son honneur d'avoir évolué et échappé à son éducation.

2- François Mitterrand devient officiellement socialiste à l'âge de 55 ans, au congrès d'Epinay, en juin 1971. Mais auparavant, il a toujours été un homme de gauche, de centre gauche, un républicain social, un progressiste, un réformiste. Et puis, le socialisme d'alors n'était pas celui d'aujourd'hui : la SFIO était sclérosée, compromise, opportuniste. Mitterrand a voulu adhérer au PSU, mais son entrée a été refusée. Jusqu'à ce qu'il fonde son propre parti, le PS que nous connaissons bien.

3- En 1981, la première sortie officielle du nouveau chef de l'Etat a été une visite au Centre Pompidou, plus communément appelé Beaubourg. Son septennat commençait donc, symboliquement, sous le signe de la culture. Qui oserait aujourd'hui ?

4- En 1982, 39 banques et compagnies financières ont été nationalisées, soit 90% des établissements de crédit. On a largement oublié l'ampleur de cette étatisation de notre économie, héritée des objectifs du Programme commun, qui n'enthousiasmaient guère Pierre Mauroy, Michel Rocard et Jacques Delors, et dont l'échec est patent.

5- "Nous ne sommes pas le parti du poing levé. Nous sommes le parti de la main tendue, le parti de l'union. D'ailleurs, le poing levé n'est pas une tradition française. Je pense qu'on ne doit pas lever le poing". Qui imaginerait aujourd'hui qu'on doit cette déclaration à ... Georges Marchais, alors secrétaire général du Parti communiste français, dans L'Humanité du 09 février 1976 ? Sûrement pas nos camarades communistes, qui brandissent allégrement le poing, en croyant être fidèles à leur passé ... Le PCF de ces années-là était certes prosoviétique, mais il renonçait en même temps à la dictature du prolétariat et même à la lutte des classes, en prônant l'union du peuple de France.

samedi 15 août 2015

La phrase la plus stupide de l'année



Elle a été prononcée hier soir sur BFMTV, par le député UDI Yves Jégo : "il n'y a pas plus laïc que le repas végétarien". Ca pourrait presque faire une réplique de Michel Audiard dans un film joué par Bernard Blier ou Francis Blanche. Le parlementaire va déposer à la rentrée un projet de loi pour rendre obligatoire dans les cantines scolaires un menu "alternatif" (sic) végétarien, afin de répondre aux demandes des enfants qui suivent des prescriptions alimentaires d'ordre religieux. C'est stupide de chez stupide, comme disent les jeunes. Je vais condescendre à vous dire pourquoi, quoiqu'on le comprenne tout de suite, si l'on n'est pas stupide (ou alors, c'est qu'on est animé pas d'autres intentions, inavouées ...) :

1- La laïcité n'est pas au fond de l'assiette, mais dans la tête. Ce n'est pas une question de viande ou de légume, mais d'institutions et de principes. En revanche, toutes les religions imposent des interdits ou des recommandations alimentaires. Parce que la laïcité n'est justement pas une religion, elle n'a pas à prôner un repas qui serait "laïc", tandis que les autres ne le seraient pas ou moins.

2- La stupidité vient souvent de l'ignorance. Depuis que l'humanité existe, elle consomme à la fois des nourritures carnées et des nourritures végétales, utilisant tout ce qui est nutritif dans son environnement. Le végétarisme provient de courants religieux, le bouddhisme par exemple, qui estiment que l'animal est un vivant comme un autre, qu'il ne faut pas le tuer et le manger. Cette origine religieuse du végétarisme s'est estompée aujourd'hui, mais cette motivation demeure en arrière-fond, sous des aspects plus profanes. D'ailleurs, s'abstenir de viande est si peu conforme à notre nature carnivore qu'il faut forcément une dimension religieuse ou métaphysique pour la justifier, même inconsciemment. Quant à la santé, elle ne joue aucun rôle dans ce débat : on ne se porte pas mieux à être végétarien.

3- La stupidité a un problème avec la cohérence : elle ne va jamais jusqu'au bout de ses idées (et pour cause : leur stupidité n'en serait que plus flagrante). Jégo croit que le repas végétarien est laïc, parce que unanimement accepté. Mais que fait-il des végétaliens, qui refusent tout produit dérivé de l'animal, les œufs et le lait par exemple ? Même en rectifiant sa phrase et en soutenant qu' "il n'y a pas plus laïc que le repas végétalien", ça ne marchera pas : on trouvera toujours un culte qui condamnera la présence de tel produit dans le fameux "menu laïc", par exemple les adorateurs de la pomme de terre (j'invente, je raisonne par l'absurde, mais comment faire autrement pour combattre la stupidité ?).

4- Nous avons une tradition laïque et républicaine, une histoire, des références : sachons nous en inspirer, au lieu de procéder à des bricolages pseudo-laïques. Si on avait proposé, en leur temps, à Jules Ferry, Jean Macé ou Ferdinand Buisson un "repas laïc" dans les écoles, ils auraient éclaté de rire ou bien fait une grimace. Leur règle, qui doit rester notre règle, était la suivante : des repas adaptés, dans la mesure du possible, pour les élèves qui sont tenus par des obligations confessionnelles. La laïcité d'autrefois, la vraie, celle qu'il nous faut encore défendre aujourd'hui, respecte les consciences de chacun, les opinions, tout ce qui relève de l'intime. Vouloir obliger quelqu'un à manger ce qui est contraire à ses convictions, ne lui laisser aucun choix, est une décision barbare, violente, cruelle, qui n'a rien à voir avec la grande et belle tolérance républicaine.

5- Nos compatriotes musulmans ont un régime alimentaire le plus simple qui soit : pas de porc. Si l'école n'est pas capable de s'adapter à cette demande, c'est qu'elle n'est capable de rien. Mais, me direz-vous, si tout le monde se met à avoir des revendications de ce type, où irons-nous ? S'il vous plait, amis lecteurs, ne soyez pas stupides à votre tour. Savez-vous quelle est la particularité de notre société contemporaine ? C'est qu'elle a cessé d'être influencée par la religion, fait historique unique au monde. Combien y a-t-il de musulmans en France ? Ils représentent 5% de la population. Et les chrétiens pratiquants ? 6%. Si notre école publique est menacée par quelque chose, c'est par le consumérisme sous toutes ses formes, pas par la religion. Alors, arrêtons de délirer ou d'être stupides, permettons à chaque enfant de fréquenter nos cantines, en toute liberté et en bonne intelligence, dans le respect de leur éducation familiale.

vendredi 14 août 2015

Pour l'écotaxe régionale



Le débat des élections régionales se poursuit dans notre nouvelle grande région. Après le projet de canal Seine-Nord et le drame des migrants de Calais, c'est l'écotaxe qui fait réagir. Pour une fois, ce n'est pas Xavier Bertrand qui a lancé l'idée, et c'est tant mieux, car jusqu'à présent, la tête de liste des Républicains est souvent celui qui propose et qui oblige donc les autres, ses adversaires, à se définir par rapport à lui, ce qui n'est jamais bon : la position défensive place déjà en situation de perdant.

Celui qui a déclenché cette fois l'offensive, c'est le socialiste Frédéric Cuvillier, socialiste, député-maire de Boulogne-sur-Mer et ancien ministre des Transports : il propose d'imposer une taxe aux camions qui traversent notre région (ils sont très nombreux). C'est une reprise de l'écotaxe conçue par la droite en 2009, mis en place par la gauche mais vite abandonnée en 2013, à cause du fameux mouvement de révolte des bonnets rouges. Cette écotaxe, j'ai toujours été pour (voir billet du 03 novembre 2013) : j'applaudis donc à l'intervention de Frédéric Cuvillier.

Le gouvernement est contre ? Oui, au plan national, Ségolène Royal y a renoncé et Manuels Valls l'a confirmé. Je le regrette mais je m'incline, discipline oblige. Ceci dit, il n'y a pas contradiction : chaque région est libre de ses choix fiscaux, dans le cadre de ses attributions. L'écotaxe régionale n'est pas l'écotaxe nationale. Après tout, il y a peut-être une nécessité moindre dans certaines régions (quoique j'en doute fort).

Mais c'est un prélèvement supplémentaire, alors que les Français en ont marre d'être imposés ? Non, les entreprises de transport ne sont pas le peuple de France, mais une toute petite partie. Et puis, il faut savoir ce que l'on veut : tout le monde s'accorde sur le fait que la planète est en danger, que l'écologie est un combat prioritaire, qu'il en va de l'avenir des générations futures ; alors, donnons-nous les moyens, pas si excessifs que ça, de cet objectif politique qui fait quasiment l'unanimité. Tout a un prix : si on veut faire baisser la pollution, il faut faire payer les pollueurs.

Est-ce que l'économie du transport routier risque d'être affectée par cette mesure ? Non, ces entreprises ont du travail, beaucoup de travail, des marchés juteux : elles s'adapteront, comme avant elles d'autres entreprises ont dû composer avec l'intérêt général, sans pour autant que leurs profits soient menacés.

Les réactions à l'écotaxe régionale de Cuvillier sont intéressantes à mentionner. Pour Xavier Bertrand, c'est un non pur et simple, une "folie" selon lui, qui tuerait le transport routier. Pour Sandrine Rousseau, tête de liste écologiste, c'est évidemment oui : "les poids lourds sont nos cancers". Entre les deux, il y a Pierre de Saintignon, tête de liste socialiste, ni pour ni contre : "il faut y réfléchir, mais prendre son temps". Pas trop quand même : l'élection est en décembre. J'ai gardé le meilleur (qui est aussi le pire) pour la fin : Marine Le Pen est contre l'écotaxe, sauf pour les camions ... étrangers. Si tout cela n'était pas sérieux, on aurait envie d'éclater de rire.

Dactylo



Retour dans notre Saint-Quentin : où trouve-t-on ces machines à écrire d'un autre temps, tout en rencontrant Maurice Leblanc, Arthur Conan Doyle, Marcel Pagnol ou Honoré de Balzac ?

jeudi 13 août 2015

La vie parisienne



Durant cet été, je vous transporte de Saint-Quentin à Paris, et de Paris à Saint-Quentin. Aujourd'hui, ce sera Paris, avec ce très beau vitrail, que vous ne trouverez dans aucune église de la capitale, mais dans un établissement qu'on peut qualifier de culturel, un lieu de divertissement, tel qu'il en existe au moins un dans chaque ville de France, sauf que celui-ci est sans doute le seul de notre pays à disposer d'un vitrail.

Observez-le : c'est la représentation d'une jolie scène de la vie parisienne au XIXème siècle, des messieurs et des dames bien mis, chapeautés, qui se promènent dans les jardins du Luxembourg. On reconnaît très nettement le grand escalier, la balustrade de la terrasse et ses arbres. Au fond, c'est le Panthéon. Ce vitrail est de style Art Nouveau. Dans quel endroit s'offre-t-il à nos regards étonnés de le découvrir là, où l'on ne s'y attend vraiment pas ?

mercredi 12 août 2015

A la santé de Maurice



Une maison médicale qui prend pour effigie, au dessus de son entrée, un artiste, ce n'est pas banal. Un peu comme si on mettait le portrait d'un chirurgien à l'entrée d'une école des beaux-arts. Ou bien celui d'un libre-penseur sur le tympan de la basilique. Nous sommes bien sûr à Saint-Quentin, et vous avez reconnu le visage de notre cher Maurice-Quentin de La Tour. Mais après tout, pourquoi pas ? L'art est finalement supérieur à la science, même médicale. Il est rassurant d'aller se faire soigner en pensant à autre chose. Dans quelle rue nos docteurs ont-ils eu cette délicate attention ?

mardi 11 août 2015

Fontaine, je ne boirai pas ...



Il ne faut pas dire : fontaine, je ne boirai pas de ton eau. Mais si ! à Saint-Quentin, devant celle-ci, il le faut. Elle est belle, pourtant. Comme c'est triste, une fontaine qui n'écoule plus rien, qui ne chante pas, qui est devenue stérile. C'est comme un été sans soleil, un écrivain sans imagination, un militant politique sans espoir. Pitié pour cette fontaine ! Allez savoir si les jours de grosse pluie, la pauvre fontaine ne ressuscite pas, ne redevient pas ce qu'elle était sans doute autrefois : une vraie fontaine, avec de l'eau qui circule. Où se trouve-t-elle, dans notre ville ?

dimanche 9 août 2015

Tonton-test



Petit conseil d'une lecture politique d'été : "François Mitterrand", de l'historien Michel Winock, paru chez Gallimard en février dernier. Ce n'est pas une biographie fastidieuse, mais un portrait politique très sobre, qui va à l'essentiel. Le style est clair et agréable, les 393 pages se lisent facilement et assez vite. On n'apprend rien de nouveau sur François Mitterrand, mais les rappels de mémoire sont excellents (je m'étonne encore à oublier des éléments fondamentaux de l'histoire de la gauche, que je connais pourtant bien). C'est objectif, historique, pas polémique.

Pour vous donner envie à la lecture, je vous propose cinq questions, pour tester vos connaissances sur le grand homme du socialisme français contemporain :

1- Quel est le nom de la première organisation politique à laquelle a adhéré François Mitterrand ?

2- A quel âge François Mitterrand est-il devenu socialiste ?

3- En 1981, quelle a été la première sortie officielle de François Mitterrand, en tant que président de la République ?

4- Quel est le nombre de banques et compagnies financières nationalisées en 1982 par François Mitterrand ?

5- Quel homme politique a dit, le 09 février 1976 : "nous ne sommes pas le parti du poing levé. Nous sommes le parti de la main tendue, le parti de l'union. D'ailleurs, le poing levé n'est pas une tradition française. Je pense qu'on ne doit pas lever le poing" ?


A questions précises, j'attends bien sûr des réponses précises. Le choix de ces questions a été motivé par le côté inattendu et surprenant des réponses, qui prêtent à réflexion. Je vous retrouverai mardi pour vos commentaires, puisque le blog fera relâche ce lundi.

samedi 8 août 2015

Laisse-moi t'aimeeeeer



Belle soirée d'hier à L'Edito, en compagnie de Mike Brant, toujours vivant ... dans nos cœurs, par la voix de Fabien Richard (en vignette, à gauche, avec au clavier Damien Lamotte). Mais nous avons aussi été rejoints par Johnny Halliday et quelques autres. Fabien est chanteur, romancier et américanophile : il a publié un livre sur Marylin Monroe, son idole, "Fifth Helena Drive", chez Edilivre, en 2015.

vendredi 7 août 2015

Thé, café ou chocolat ?



On peut visiter un musée tout seul, avec un casque sur les oreilles ou bien en compagnie d'un guide. Mais il y a un must : c'est de se laisser conduire par un conservateur de musée. J'ai eu ce privilège et cet honneur, à travers le musée Cognacq-Jay à Paris, en présence d'une éminente personnalité culturelle de Saint-Quentin, Hervé Cabezas himself, conservateur du musée Antoine-Lécuyer. Il était dans son élément, le XVIIIème siècle. Nous avons même retrouvé notre cher Maurice-Quentin de La Tour, notamment son portrait de Madame la présidente de Rieux, en habit de bal, tenant un masque, un magnifique pastel sur papier collé sur toile (vignette 1).

Le musée abrite, jusqu'au 27 septembre, une exposition intitulée "Thé, café ou chocolat, l'essor des boissons exotiques au XVIIIème siècle". On peut exercer son nez aux bonnes odeurs de ces délicieux breuvages (voir billet de mercredi dernier). Un conservateur ne visite pas un musée comme le commun des mortels. D'ailleurs, est-ce, chez lui, une vulgaire "visite" ? Non. Il ne se déplace pas, ne regarde pas, ne respire pas vraiment à la façon ordinaire. Moi, je ne fais que passer : lui est à la maison, s'attarde, revient, observe, commente. Sa tête n'est pas la mienne : il pense, en connaisseur. Moi aussi, bien sûr, mais plus modestement, en amateur.

Par exemple, je m'interroge sur cette tasse et cette soucoupe, en porcelaine dure, réalisées par un anonyme, chinois (vignette 2). Je me dis qu'une petite mondialisation existait déjà au siècle des Lumières, made in China. Je me dis surtout que la Crucifixion de notre Seigneur Jésus-Christ dans une tasse à thé est un petit blasphème au milieu d'un siècle pourtant très chrétien. Aujourd'hui, c'est une fille à poil qui apparaît, lorsque nous terminons notre saké au Chinois du coin. Ce motif religieux sur un objet très profane venant d'un pays lointain, nous le devons sûrement à l'influence des Jésuites, qui ont la manie de récupérer les cultures locales pour les mettre au service de leur foi, jusque dans les fonds de tasse ...

Hervé Cabezas m'apprend, entre autres, un mot que j'ignorais : cartel. Savez-vous de quoi il s'agit ? De l'étiquette à côté d'un tableau, nous informant sur celui-ci. L'œil du conservateur est alors en alerte, d'une vigilance extrême, regard d'aigle prêt à fondre sur la moindre erreur ou inexactitude. Et en voilà une : c'est une eau-forte qui a attiré mon attention, puisqu'elle représente un dîner de philosophes (vignette 3). Son cartel souligne prudemment que l'estampe est attribuée à Jean Huber et la désigne sous ce titre : "Voltaire, d'Alembert, Condorcet, l'abbé Maury, Diderot (au café Procope)".

Jusqu'ici, tout va bien. Mais non, tout ne va pas bien, car Monsieur le conservateur est là, sceptique et rigoureux de métier : le Procope, c'est pour faire parisien (voir billet du 12 juin, ma virée au Procope). Mais la localisation est incertaine : pour preuve, la monographie de Garry Apgar sur Jean Huber, publiée chez Adam Biro, à Paris, en 1995, fait référence au tableau (p.117), mais n'évoque pas du tout le célèbre café de la rue de l'Ancienne Comédie. Voilà un tir de précision de notre cher conservateur qui fait mouche et qui rend petit quand on n'a rien vu venir ...

Attention : Hervé Cabezas et moi sommes des gens sérieux qui ne se prennent pas au sérieux. Nous avons terminé la visite par une facétie qui a fait sensation dans l'entrée du musée, chacun d'entre nous mimant un personnage de l'affiche (vignette 4). Pour l'occasion, nous étions comte de Cabezas et marquis de Mousset (tant qu'à faire, je me suis réservé un titre de noblesse de rang supérieur), lui me servant très élégamment je ne sais plus quoi : thé, café ou chocolat ? En vérité, à Saint-Quentin, nous sommes des hommes du XVIIIème siècle perdus dans notre époque. Il ne nous manque que les costumes et les épées.

jeudi 6 août 2015

Citoyen philosophe



Savez-vous qui est Philippe Henry (en vignette, avec Delphine, du café L'Artisanes) ? Il commence à se faire connaître dans Saint-Quentin, à se constituer un public. Ce professeur de philosophie au lycée Condorcet est l'animateur du café philo, chez nous, à Guise et à Soissons, animateur du ciné philo au CinéQuai et conférencier à la bibliothèque Guy-de-Maupassant. Il assure la présidence de l'association Rencontre Citoy'Aisne et fait partie du conseil d'administration de la Ligue de l'enseignement de l'Aisne. C'est un beau début de cursus pour qui s'engage dans les activités publiques. Sauf que Philippe Henry n'a pas le goût du pouvoir, ne recherche pas les honneurs et n'a pas l'esprit militant. Alors, que vient faire ce professeur de philosophie dans le monde de l'animation et des associations ?

Philippe n'a pas d'abord été enseignant, n'est pas une bête à concours. Il a fait de la philosophie pour elle-même, consacrant son mémoire de maîtrise à Wittgenstein et sa thèse de DEA à "la passion de la foi chez Pascal", sujet pas spécialement à la mode... Avant de devenir professeur, il a fait plusieurs petits boulots, vendeur de parfum (au porte au porte), de meubles (chez Casa), de voitures (chez Citroën), de vin fou Henri Maire, et livreur de pizzas. Voilà qui forme un homme et un philosophe.

Ce n'est pas la philosophie que Philippe Henry va commencer à enseigner, en entrant dans la grande maison de l'Education nationale, mais la littérature et l'histoire, en lycée professionnel. En 2010, il est affecté au lycée Condorcet, à Saint-Quentin, professeur de philosophie cette fois. Ce "beau métier", comme il l'appelle, comment le conçoit-il ? Préparer avant tout ses élèves techniquement à l'épreuve du baccalauréat, sachant qu'une minorité seulement deviendra philosophe à proprement parler. Le plus difficile du métier, c'est de convaincre les élèves réfractaires à s'investir dans l'effort. Mais il n'a pas, à l'égard de ses classes, le jugement désabusé de certains enseignants : non, les élèves ne sont pas nuls, ils ont simplement leur culture à eux (sport, télévision, jeu vidéo, etc) , qui n'est plus celle des générations précédentes, mais à partir de laquelle on peut tout de même philosopher.

Tout cela n'explique pas complètement l'engagement associatif de Philippe Henry, mais c'est un début, une préparation : quand on a été vendeur, qu'on a enseigné en lycée professionnel, on a forcément une autre approche, élargie, de l'enseignement de la philosophie, qui dépasse les limites du lycée pour se répandre ailleurs. Platon voulait des rois philosophes ; Philippe Henry souhaite des citoyens philosophes, interrogeant l'actualité, exerçant leur esprit critique. Le but n'est pas vraiment l'érudition, mais plutôt la convivialité : partager des convictions et prendre plaisir à penser ensemble. A la présidence de Rencontre Citoy'Aisne, Philippe Henry entend jouer un rôle de représentation et d'organisateur, afin que l'association devienne florissante et que ses activités soient variées.

Philippe a une autre corde à son arc : c'est un poète, qui a publié l'an dernier deux ouvrages, "Début" et "Outreponts", qu'on peut trouver à la librairie Cognet. Son thème de prédilection : l'amour, c'est-à-dire le désir, le manque et la souffrance. Mais la poésie n'est-elle pas encore un autre moyen de philosopher ? Contrairement à son auteur de maîtrise, Wittgenstein, qui pensait qu'il faut taire ce qu'on ne peut pas dire, Philippe Henry pense que la poésie donne à voir et à sentir ce qui s'exprime difficilement, en premier lieu l'amour.

Le citoyen philosophe rejoint ici son sujet de DEA, Pascal, mais ce n'est pas Dieu qui est l'objet de sa passion. Son modèle, c'est l'amour courtois. Il apprécie Apollinaire, Eluard et cette formule du psychanalyste Lacan : "tu ne dois pas céder sur ton désir". Philippe Henry, qui ne tombe pas dans les illusions de la chair, n'exclut pas que l'amour survive à la mort, dans l'hypothèse d'un esprit indépendant du corps. Sur ce sujet, Philippe termine pas une réflexion un peu inattendue : "nous manquons de bons sentiments", qu'on a pourtant tendance à railler plutôt qu'à défendre.

Avant de quitter Philippe Henry, je lui demande à quoi il tient le plus : que ses élèves obtiennent la meilleure note au bac, qu'on lise quelques-uns de ses poèmes et qu'on les apprécie. Vous pouvez venir écouter le citoyen philosophe au café philo, à L'Artisanes, 6 rue Emile Zola à Saint-Quentin. La séance de rentrée aura lieu le vendredi 25 septembre, de 19h00 à 20h30, autour de la question : comment définir l'intelligence ?

mercredi 5 août 2015

Avoir ou ne pas avoir du nez



Non, je ne suis pas tombé amoureux d'un poteau, que je m'apprêterais à embrasser. Je ne suis pas non plus en train de renifler la barre d'un Pole Dance ou d'un Strip-Tease. C'est un endroit parfaitement honorable et éminemment culturel de la capitale. Mais comme on me demande d'approcher mon nez pour reconnaître et apprécier une agréable et très ordinaire odeur, je m'exécute. Où suis-je donc ?

mardi 4 août 2015

Pour la beauté des yeux



La mode des tags se perd. Dans Saint-Quentin, on a vite fait le tour des plus beaux. Beaucoup ont été effacés à la peinture. Il n'y a plus que leur souvenir, avec des cicatrices blanches sur les murs. L'époque a changé : tolérance zéro ! Les illégalités, même mineures, ne sont plus supportées. Après tout, le tag est une forme de vandalisme, mais pour la beauté des yeux.

Politiquement, le plus judicieux est d'attribuer des espaces officiels aux taggers. Les murs désolants ne manquent pas dans une ville ! Le droit accompagne les évolutions d'une société. La loi autorise ce qu'elle interdisait auparavant, et réciproquement. Hommage aux tags, avec un bien modeste en vignette, assez ancien, visible en centre ville.

Il reste un mystère à décrypter (et peut-être un livre à écrire) : la signification et la signature des tags. Celui-ci est signé ASA et je crois lire SKOF ou SKOP : qui veulent dire quoi ? Car je ne pense pas que ces formules n'aient aucun sens. Il faudrait faire une étude comparative ...

lundi 3 août 2015

A deux vitesses



Xavier Bertrand est très présent, dans le débat politique, durant cet été. Normal : c'est un responsable national. De plus, il est tête de liste pour les prochaines élections régionales. Il s'exprime sur de nombreux sujets, de la candidature présidentielle de François Hollande (voir mon billet du 30 juillet, "Obligation de résultats") au sort des migrants de Calais, en passant par la limitation de vitesse sur autoroute. Normal là aussi : un homme politique, surtout à ce niveau, se doit d'avoir des prises de position très variées sur ce qui préoccupe les Français. Normal enfin : je suis rarement d'accord avec lui, c'est la démocratie, l'échange d'arguments. Après, chacun se fait son idée et choisit.

A propos de la limitation de vitesse inférieure à 90 km, sur les autoroutes traversant les agglomérations, projet examiné par le ministère de l'Ecologie, je ne suis pas d'accord. Xavier Bertrand et moi, nous ne roulons pas à la même vitesse ! Je circule moins vite, mais je vais plus loin, puisque, depuis longtemps, je souhaite un abaissement généralisé de toutes les limitations de vitesse. Pourquoi ? Pour une seule raison, aussi radicale que sa solution : la vitesse tue !

Bien sûr, je n'ignore pas que la mort sur la route a aussi d'autres raisons. Mais celle-là est la première cause d'accidents mortels. Surtout, elle peut parfaitement être réglée : il suffit de rouler moins vite ! C'est simple, à la portée de tous : il suffit de se sentir responsable de sa propre vie et de la vie d'autrui. Comme je ne suis pas angélique et que je sais que la politique est aussi une question d'autorité, j'en appelle à la loi pour contraindre les automobilistes. Perdre la vie au volant est tellement tragique et stupide que la loi peut bien souffrir un durcissement de ses règles.

Xavier Bertrand récuse cette mesure, aujourd'hui sur ITELE, au motif qu'elle accroit la réglementation, ce dont les Français "ont marre", le vivant comme un "harcèlement". L'inflation de règles, oui, est à dénoncer, nous la vivons très mal au quotidien. C'est pour cette raison que François Hollande a choisi, comme l'un des objectifs de son mandat, le "choc de simplification". Mais réduire encore plus les vitesses autorisées n'augmente pas la réglementation : elle modifie simplement les normes en cours, elle n'en ajoute pas de nouvelles. La réflexion sur l'excès de règles dans notre société doit se poursuivre ; mais par sur le terrain de la sécurité routière.

Et puis, cette prolifération de règles qui va parfois jusqu'à l'inutile et l'absurde n'est pas une lubie d'un gouvernement, qu'il soit d'ailleurs de gauche ou de droite : c'est le produit d'une société, un phénomène en quelque sorte culturel, une opinion publique de plus en plus soucieuse de sécurité et qui a désormais fréquemment recours à la justice. Nos compatriotes se plaignent de la multiplication des interdits, mais ils en sont aussi à l'origine. Quand la loi nous convient et nous profite, nous en redemandons ; quand elle contrarie nos intérêts et nos désirs, ou tout simplement nous ennuie, nous sommes alors prompts à la dénoncer.

Le deuxième contre-argument de Xavier Bertrand est que l'objectif de cette réduction de la vitesse n'est pas écologique, mais purement financier : "faire des PV", ramener de l'argent dans les caisses de l'Etat. C'est en effet un reproche qu'on entend fréquemment autour de nous : la verbalisation n'aurait pas de finalité sécuritaire, mais transformerait l'automobiliste en "vache à lait" (autre image forte, plutôt curieuse, mais souvent employée). D'abord, taxer ceux qui violent la loi ne me dérange absolument pas. Mais, dans sa sagesse et sa prudence, Ségolène Royal ne propose pas d'augmenter le montant des pénalités. Surtout, je crois que le seul et unique but de l'Etat n'est pas de faire cracher au bassinet les Français, mais bel et bien de les protéger contre eux-mêmes, quand ils représentent un danger en conduisant trop vite.

Xavier Bertrand aurait pu utiliser un dernier argument, qui mérite examen : notre société apprécie la rapidité, il est important d'aller vite, la lenteur est un défaut. Moi aussi, j'aime bien ce qui se fait dans la célérité, et je suis plus lévrier qu'escargot. Pourquoi la route ferait-elle exception, pourvu que notre conduite soit vigilante et maîtrisée ? La remarque serait recevable si la limitation accrue de la vitesse sur les routes et autoroutes entrainait une perte de temps très importante. Ce n'est pas le cas. J'ai longtemps pris l'autoroute pour aller à Amiens ou à Cambrai, pour gagner du temps. J'y gagnais assez peu de temps, j'y perdais surtout pas mal d'argent (pas cette fois à cause d'une punition, mais du péage !). Je me suis replié sur les nationales : c'est moins chic, mais c'est moins cher. On peut rouler moins vite sans gaspiller substantiellement son précieux temps : ce n'est pas une question de vitesse, mais d'organisation.

Xavier Bertrand ministre a pris, en son temps, une mesure courageuse, difficile, beaucoup plus radicale que réduire un peu plus la vitesse sur certains tronçons d'autoroute (comme quoi, contrairement à ce que j'annonçais en début de billet, je peux être aussi d'accord avec lui ...) : l'interdiction de fumer dans les lieux publics. Il est allé jusque là parce que le tabac est un danger de mort qu'on n'a pas le droit de faire subir à autrui. J'ai le même raisonnement pour la vitesse.

Pas très catholique



Une grotte en pleine ville, une petite sainte Vierge et trois angelots plus gros qu'elle : où peut-on s'adonner à cet étrange culte ?

dimanche 2 août 2015

J'étais en train de préparer une corde



Les aveux de Jérôme Lavrilleux à L'Obs de cette semaine, qui donnent le titre à ce billet, sont violents, spectaculaires : dans l'affaire Bygmalion, l'ancien adjoint de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy a songé se donner la mort. C'est le texto d'un journaliste qui l'en a dissuadé. La politique autorise beaucoup de choses, transgresse bien des règles, mais la mort est un tabou qu'on ne franchit pas, tellement il semble grave.

Autrefois, c'était différent : sous l'Antiquité, par exemple, on tuait et on se tuait pour le pouvoir, faute de l'avoir ou parce qu'on le perdait. La démocratie a permis des mœurs beaucoup plus pacifiques. C'est pourquoi, lorsque nous entendons parler de suicide, ou de tentative de suicide, notre conscience est heurtée, on se dit que la politique est une bien vilaine activité pour pousser ainsi un homme à bout, jusqu'à penser sacrifier sa propre vie.

Les cyniques soupçonneront une mise en scène, une exagération, une stratégie de victimisation. Déjà, son émotion à la télévision, au début de l'affaire, avait suscité le soupçon chez certains. Mais qu'est-ce que Lavrilleux aurait à y gagner de faire un cinéma ? N'étant pas parmi les cyniques, je ne partage pas cette réaction-là. Et puis, les larmes, la corde, personne ne peut feindre ces choses.

A vrai dire, personne ne sait les souffrances de Jérôme Lavrilleux, parce qu'un homme ne peut jamais entrer vraiment dans les souffrances d'un autre. La compassion est une mission impossible. Je peux imaginer l'honneur bafoué, la réputation ternie, l'isolement, l'incompréhension des autres et la menace de la justice. Mais la douleur de fond, qui peut conduire au geste irréparable, nul ne la connaît.

Qu'a fait Jérôme Lavrilleux ? Il a commis, avec d'autres, des irrégularités financières, sur lesquelles la justice doit encore se prononcer. Se suicider pour ça serait terrible. D'autres font incomparablement pire et s'accrochent à la vie. En politique, les suicides sont assez rares, parce que ses protagonistes sont avertis de ce qui les attend, de la dureté et même de la cruauté de cet univers, auxquelles il est bien difficile de ne pas participer à son tour, une fois qu'on s'y est engagé. Salengro, Bérégovoy, il y a quelques exemples célèbres, mais assez peu, parce que l'homme politique a le cuir épais. Mitterrand aurait, parait-il, été tenté, après la sale affaire de l'Observatoire (un faux attentat chargé de le discréditer, à la fin des années 50). A chaque fois, ce n'est pas la gravité des faits qui pousse ou fait penser au suicide : c'est toujours une image injustement dégradée.

Pour Jérôme Lavrilleux, je vois aussi une autre explication : ce n'était pas vraiment un homme politique, il ne se présentait pas d'abord comme un élu, mais comme un conseiller du prince, un directeur de cabinet, un organisateur de campagne, très doué, très dévoué, très efficace. On peut s'égarer à suivre scrupuleusement ces vertus, quand on les met au service d'autrui moins scrupuleux. Au fond, Lavrilleux a toujours été plus un administratif qu'un politique. Au Conseil général de l'Aisne, il n'a pas vraiment tenu un rôle de leader. Cet homme est sans doute plus naïf, plus fragile que sa haute responsabilité auprès d'un chef d'Etat en campagne le laisse supposer. Et puis, il y a sûrement un vertige des sommets qui vous entraîne, auquel on a du mal à résister.

Aujourd'hui, Jérôme Lavrilleux est lâché de tous, sauf sans doute de quelques proches, quelques fidèles. C'est la terrible loi de la politique : quand vous ne servez plus à rien, on vous jette comme une vieille chaussette ; quand vous ne faites plus peur ni envie, on vous fuit comme un pestiféré. Lâches, lâcheurs : oui, c'est le revers, pas beau du tout, de la politique. Mais tout ça n'a strictement aucun importance, parce que l'essentiel, c'est de vivre, et que la vie est toujours mille fois supérieure à la politique. Ce serait faire trop d'honneur à celle-ci que de mourir à cause d'elle ... Et puis, la vie est pleine de surprises, n'a jamais dit son dernier mot. Mitterrand, après l'Observatoire, était fini, ridiculisé, sali à jamais. Très vite, il s'est relevé. La vie est plus forte que tout, plus forte que le mensonge, plus forte même que la vérité.

Poupées saint-quentinoises



Non, ce ne sont pas des enfants qui s'amusent ou des adultes qui pratiquent la sorcellerie. Ces deux poupées ont été vues hier après-midi, dans le centre ville de Saint-Quentin. Normalement, leur place est dans un magasin de jouets ... Que faisaient-elles là ? A quoi servaient-elles ?

samedi 1 août 2015

Un moment d'hystérie collective



C'était il y a une bonne semaine, dans un parc, à Reims. Il faisait beau, beaucoup de soleil, les gens bronzaient sur les pelouses, des jeunes filles en maillot de bain. L'une d'entre elles a été interpellée par un petit groupe, de façon agressive : une "embrouille" entre filles, comme disent les jeunes. Un incident désagréable, mais assez banal, mineur, avec cependant suffisamment de violence pour en rendre compte devant la justice. Le fait divers aurait pu, aurait dû rester un fait divers, si notre société n'était pas malade d'elle-même, de sa xénophobie ancienne, actuelle, latente, refoulée, qui ne demande qu'une occasion pour se laisser aller, pour éclater. L'occasion toute trouvée, c'était il y a une semaine, dans un parc de Reims, sous un beau soleil, une altercation dont le motif demeure inconnu, comme c'est souvent le cas dans ce genre d'incident, où un regard, une remarque suffisent à mettre le feu.

L'internet a grossi, déformé et répandu l'affaire, la grenouille se transformant en boeuf, avant de faire plouf, quelques jours après. En attendant, le mal était fait. Mais le racisme est là pour ça : faire du mal, faire mal. Cette "Toile" grouille de petites araignées, via les blogs, les sites, les réseaux de toute sorte. Ce n'est pas beau à voir ni à lire. Réseau social ? Non, réseau asocial, où le narcissisme, les phobies, les petites saloperies individuelles se démultiplient à la puissance 100, à la puissance 1 000, et beaucoup plus. C'est le royaume du mensonge, de la manipulation, des coups bas et des désirs en dessous de la ceinture.

Dans l'agression de Reims, tout était faux, inventé, exagéré. La sale histoire nous racontait que la jeune fille en maillot de bain avait été violentée à cause de sa tenue légère, par d'autres jeunes filles évidemment musulmanes. Les racistes avaient la trique : pensez donc, la charia en plein cœur de Reims, la ville du sacre des rois de France transformée en base arrière de Daesh, avec la complicité de quelques voyoutes de banlieue. Des terroristes femelles allaient bientôt obliger nos femmes à porter le maudit voile, de la tête aux pieds. Pour le xénophobe, c'est l'orgasme ! Il imagine dans sa pauvre tête ses misérables cauchemars, qui vont lui faire peur et le faire jouir.

Si les jeunes musulmanes de France devaient s'en prendre à quiconque montre son cul dans la rue, en vrai ou en photo, ce sont des milliers d'attentats à l'impudeur qui auraient lieu chaque jour dans notre pays ! Mais, que voulez-vous, un raciste, ça ne réfléchit pas, ça ne cherche qu'à satisfaire ses fantasmes, ses obsessions, ses pulsions. Le contraste entre le maillot de bain et la burka est parfait pour sa petite tête. L'extrême droite en a fait ses choux gras, bien gras, comme un étron au fil de l'eau. Une manif a même été organisée sur place, dans le parc ... où presque personne ne s'est déplacé. Le raciste veut bien cracher son venin sur la Toile, mais pour apparaître à visage découvert, c'est autre chose ...

Le plus stupéfiant dans cette séquence d'hystérie collective, c'est que l'une des premières structures à s'en mêler et à l'alimenter a été ... SOS racisme. Oui, vous n'en revenez pas, comme moi : l'association chargée de dénoncer le racisme a contribué à sa diffusion ! Comment expliquer cette folie ? Je crois qu'une partie de la gauche est littéralement traumatisée et tétanisée par le discours faussement laïquard du Front national. Elle ne veut pas se laisser déborder sur ce terrain-là, elle en rajoute lorsqu'il lui semble qu'une pression sur les personnes a pour motif une croyance religieuse. Dans l'affaire de Reims, les antiracistes ont voulu se montrer d'intransigeants laïques, pour que ce rôle ne soit pas abandonné à l'extrême droite. Sauf qu'ils se sont trompés, complètement trompés, et que leur erreur est grave, très grave (le responsable de SOS racisme a d'ailleurs démissionné).

De la fiction rémoise, la gauche doit tirer des leçons. Le véritable problème en France, ce n'est pas la présence de musulmans, mais la présence de xénophobes, qui mettent à mal le vivre ensemble, qui portent atteinte au pacte républicain. Ce sont eux nos adversaires, ce sont eux qu'il faut combattre. Ce n'est pas la laïcité qui est menacée, ce sont les valeurs républicaine de liberté, d'égalité et de fraternité, par les tenants de l'intolérance, de la discrimination . Il y a l'hystérie calculée, électoraliste du Front national ; mais il y a aussi l'hystérie spontanée, angoissée qui vient d'en bas, de très bas, de la base, qui doit être tout autant dénoncée et combattue. La sinistre affaire de Reims, désormais close, en a été l'illustration.

Les plaisirs du palais



Cette sympathique jeune femme m'a fait visiter son palais des mille et une nuits (bien que nous étions en plein jour). C'est un lieu unique à Saint-Quentin, pour les plaisirs de la bouche, des narines et des yeux. J'ai passé, avec d'autres, un moment très agréable. De la fenêtre, la vue est belle aussi. Dites-moi où j'étais, avant de vous y rendre à votre tour.